top of page

Originael - N°17

Matin. 8h. Les yeux. Allez, c'est parti.

 

C'est aujourd'hui. Cette fois c'est la bonne.

Café. Douche. Retrouver mes carnets, mes post-its, feuilles volantes, mes centaines de notes, d'ébauches, d'idées.

Fourrer tout ça dans la sacoche, attraper la machine, sortir.

Vite. Ne pas laisser le temps au soufflé de retomber.

Légère et court vêtue, pour bien prendre le soleil, sentir le vent, toucher la terre.

Je me pose là, oui allez c'est bien là, ça me plaît. Je sens que je vais être inspirée, effleurée par la grâce.

Je vais écrire le plus beau roman du siècle.

 

Je commence.

Le titre.

Pas compliqué, ça fait dix ans que je l'ai choisi. J'en ai changé cent fois mais aujourd'hui j'en suis sûre, ça y est, c'est celui-là.

 

Chapitre 1.

J'adore le bruit de la machine à écrire. Et puis j'allais quand même pas prendre un ordinateur. Trop banal.

C'est toujours comme ça avec moi. Quand je veux de la musique, je m'offre un vinyle. Quand je prends une photo, c'est avec un Polaroïd. J'allais quand même pas écrire le roman du siècle sur un MacBook.

Alors.

Chapitre 1.

Les notes. J'avais noté un super truc pour le début, où est-ce que je l'ai foutu?

 

Pause. Clope. Je regarde l'eau, les pierres, les gens. Rien ne me voit. Je joue à la statue. Je ne bouge presque pas. Si je ne respirais plus, l'illusion serait parfaite.

 

Chapitre 2.

Je reviendrais au 1 plus tard. C'est pas grave. Mon éditeur fera le tri.

Si un jour je suis publiée. Si quelqu'un me trouve du talent. Si seulement j'en ai.

Et si j'arrive à travailler. Pour l'instant, sur la page coincée dans le rouleau, le génie n'est pas flagrant.

 

Ça y est, je doute. Je fouille dans mes notes, mes "idées formidables" il y a seulement quelques jours, et n'y trouve rien de bon.

 

Clic droit. Supprimer. Vider la corbeille.

 

C'est toujours comme ça avec moi.

Lundi j'allais démarrer mon biz de sacs en macramé, mardi je trouvais "génial tout ce qu'on peu faire avec la peinture sur verre!", mercredi au fond de mon lit, et demain je vais sûrement me lancer dans la musique country ou la culture de lentilles. Je vais rencontrer Jean-Machin ou Marie-Truc qui me dira à l'apéro que c'est super ce que tu fais, tu devrais continuer!

Mais le lendemain, matin. 8h. Les yeux. Sans jamais aller au bout.

 

Un type surgit de nulle part et me prend en photo. Je fais semblant d'être hyper concentrée sur mon chef d'oeuvre. Déjà le chapitre 3!

 

Le type s'en va.

Même mon titre je n'en suis plus très sûre.

Même mes personnages je ne les reconnais plus.

Même mon histoire je ne la comprend plus.

 

Et je sais que demain ça sera pareil.

C'est toujours comme ça avec moi.

Je me raconterai une autre histoire, et au bout de quelques phrases, je n'y croirai déjà plus.

 

 

Épilogue.

La machine sous le bras, je me lève, légère de plomb et encore trop vêtue, j'avance jusqu'au bord, l'eau doit être froide.

Le type à la photo est déjà loin.

 

À la flotte!

Mais quoi? La machine ou la fille?

L'histoire ou l'autrice?

Ou les deux?

 

Clic droit.

Fermer.

Ne pas enregistrer.

Originael - N°1

 

Je n'ai pas aimé tuer le mari. Il était allongé sur le dos, il ronflait, il était gras et bizarre. Je me suis approchée, j'ai vu ses narines qui s'écartaient, sa bouche entrouverte, il me dégoûtait. Je n'avait pas envie de le toucher, et pourtant j'allais bien y être obligée. Je décidai de faire le plus vite possible. Pendant qu'il respirait bruyamment, j'ai sorti le couteau de mon sac. Un long couteau de cuisine, tout neuf, aiguisé à l'extrême. Je l'ai sorti lentement, en faisant attention au moindre frottement du tissu sur la lame, je l'ai sorti et l'ai vu briller légèrement dans la lumière que la fenêtre laissait filtrer de la rue. Les lampadaires distillaient leurs rayons blancs jusque sur le gazon de leur jardin. J'ai regardé un instant mon arme étincelante. Elle prolongeait élégamment ma main, elle lui donnait du pouvoir, un pouvoir violent, un pouvoir enivrant. Au bout d'une dizaine de secondes, je me suis souvenue de ce que je venais faire, et je me suis sentie très excitée. Il fallait faire vite, avant qu'elle ne rentre. Alors je me suis rapprochée de lui, j'ai calé mes pas sur la moquette avec son souffle régulier, et je suis arrivée à côté du lit, près de sa tête. Je n'avais pas envie de le regarder, il était laid, et pourtant il fallait que je vise. Un drap léger couvrait son torse nu. J'en soulevai un coin, et je le tirai, la plus lentement du monde, jusqu'à dévoiler son ventre poilu qui se soulevait et s'abaissait en rythme. Je reposai le drap vers son pubis, tout doucement, ma main était si près de sa peau que j'en sentis la chaleur. Beurk. Son bras droit eut un sursaut, il grogna. Je me figeai. Je priai silencieusement pour qu'il ne se retourne pas, mais il n'en fit rien, il se contenta de dormir comme un imbécile sûr que rien ne peut lui arriver. Alors je brandis mon couteau au-dessus de lui, et je l'abbatis violemment sur son torse, au niveau du coeur.

 

Après ça je me suis cachée dans le salon. J'ai trouvé un petit renfoncement dans le mur près de la baie vitrée. De là, je pouvais voir sa voiture quand elle entrerait dans l'allée, et je pourrai entendre le son des clefs dans la porte. Je me sentais bien, mon coeur battait tranquillement, je savais pourquoi j'étais là, je savais ce qu'il fallait que je fasse. J'ai attendu. Longtemps. Je me suis demandé ce qu'elle faisait. Je l'avais déjà vue des centaines de fois en ville, buvant un verre avec ses amies dans le même bar, toujours le même, c'est une créature d'habitudes. Je l'imaginai ce soir, sirotant son gin à la paille, légèrement ivre... Dans quelques minutes elle prendra congé de ses amies, leur dira qu'elle est fatiguée, qu'elle se lève tôt demain, que son mari l'attend. Elle se lèvera, prendra sa jolie veste et son sac à main en cuir noir, paiera ses consommations, puis sortira dans la nuit fraîche pour prendre sa voiture, même si elle a dépassé le taux d'alcoolémie autorisé. J'espère qu'elle ne se fera pas arrêter. Elle prendra la première rue à droite, puis tout droit jusqu'à l'école primaire, puis encore à droite et enfin au feu à gauche. Elle s'engagera dans le quartier le plus sûr de la ville, avec ses grandes maisons toutes pleines de familles tranquilles protégées par des caméras et des alarmes, elle fera le tour du jardin et viendra se garer dans l'allée, face à cette baie vitrée qui laissait passer la lumière crue de ses phares. Ça y est elle était là. Elle arrivait vers moi.

 

J'entendis ses pas dans le couloir. Elle portait des sandales à petits talons. Sa jupe devait se plisser légèrement au niveau des cuisses, comme elle le faisait lors de ces soirées d'été pendant lesquelles je l'ai observée, marchant dans la ville, traversant le parc, seule ou au bras de son défunt mari. Elle posa les clefs sur la commode de l'entrée. Elle enleva ses chaussures, posa sa veste sur le porte-manteau. Tout cela je l'entendais, j'aurais aimé le voir, mais il était trop tôt pour sortir de ma cachette. Pas encore. Encore un peu. Elle approcha à petit pas nus sur le carrelage. Elle n'alluma pas la lumière, et, en direction de la cuisine, passa devant moi sans me deviner. Sa main caressa le dossier du fauteuil gris, et ce fut à ce moment que je m'avançai vers elle; je la suivis silencieusement sur deux mètres environ, puis je m'élançai, la saisis sous le buste, l'attirai contre moi, bien serrée, et posai mon couteau sous sa gorge. Elle ne poussa pas un cri, mais eu une grande respiration étouffée. Je ne voulais pas lui parler, je ne voulais pas briser l'instant avec de vaines paroles, quelque chose qui aurait rendu la situation ridicule. Je lui collai simplement le couteau un peu plus haut sous le menton et un peu plus fort contre la peau. Je sentais son dos contre mes seins, ses bras raides le long de son corps, elle était pétrifiée, elle tremblait. Son parfum me montait à la tête, elle en avait beaucoup trop mis ce soir. Je plongeai mon visage dans ses cheveux. Je la tenais encore fermement quand je l'ai retournée vers moi, et qu'elle m'a regardée en face. Son regard s'est agrandi de stupeur comme elle me reconnaissait. Alors je l'ai poussée violemment, elle est tombée entre le fauteuil gris et la table basse. J'ai eu peur qu'elle ne se cogne et que le choc ne la tue, mais sa tête a évité les meubles de justesse. Je suis montée à cheval sur elle, elle me regardait toujours dans les yeux, effarée, elle ne se débattait pas du tout, tout ça était d'une facilité déconcertante; mes cuisses solidement serrées autour de ses hanches, ma main gauche posée sur son torse pour la plaquer au sol, d'un geste vif je lui ai tranché la gorge et j'ai regardé l'ouverture nette que je venais de créer dans sa chair. J'avais produit une pression suffisamment forte pour couper l'artère, alors le sang m'a très vite sauté au visage. Elle a convulsé quelques secondes, puis plus rien. C'était fini. Et c'était allé beaucoup trop vite à mon goût.

 

 

 

Originael - N°8

Victoire [emoji rouge de colère] se sent furieuse

 

Salut à toustes!

Je viens vous raconter une belle histoire...

Hier soir, j'ai eu rendez-vous avec un homme, je suis allée chez lui et nous avons eu des relations sexuelles. J'en avais envie, j'y ai pris du plaisir, puis je suis rentrée chez moi. Une agréable nuit sans suite. Ce que j'ignorais, c'est que ce charmant jeune homme nous a filmés à mon insu, et menace maintenant de dévoiler la vidéo si je ne me plie pas à ses exigences (principalement financières). Au delà de l'argent, il cherche surtout à m'humilier, à me faire passer pour une "trainée" selon ses mots, à montrer à mes proches que je suis une femme de peu de vertu, à me punir pour mes désirs en somme. Cet individu possède en effet après cette soirée des images de moi qui laissent peu de place à l'imagination, et qui m'exposent dans toute mon intimité, intimité que j'avais choisi, bien mal m'en a pris, de partager avec lui.

Un bon vieux chantage des familles!

Seulement voilà: nous avons couché ensemble, je ne le connaissais pas, mais la réciproque est vraie, lui non plus ne me connait pas. Et il ne sait pas qu'il est tombé sur la mauvaise personne pour jouer à ce jeu-là. Vous tous qui me fréquentez de près ou de loin, savez que je ne me laisse pas si facilement impressionner, et que, si dans ma vie il m'est arrivé d'éprouver des regrets, il en faut beaucoup pour me faire honte sur des actions que j'ai choisies en toute connaissance de cause et que j'assume. Il n'a probablement pas prévu que je parlerai haut et fort, sans gène, car je considère que je n'ai rien fait de répréhensible, et que je n'ai pas à acheter son silence.

Je suis dans une relation de couple saine et formidable, ouverte, avec un homme merveilleux qui sait tout de moi et de ce que je fais en dehors de ses bras. Je suis entourée d'ami.es et de famille compréhensif.ves, tolérant.es, qui ne me jugent pas, et qui le feraient encore moins dans cette situation où seul est à blâmer celui qui se rend coupable de chantage. Ainsi je préfère prendre les devants: cher.es tous.tes, une vidéo va peut-être courir bientôt sur les réseaux, une vidéo qu'il imagine compromettante, une vidéo prise pour me blesser mais dans laquelle tout ce que l'on voit sont deux adultes consentants prenant du plaisir ensemble. Et si je me suis donnée librement et sans contrainte pour passer un bon moment, lui n'avait peut-être que son dessein en tête et n'en a pas profité autant que moi. Alors tel est pris qui croyait prendre! Je n'ai pas honte, connard, d'être humaine et femme et sexuelle quand je le veux, et avec qui je le veux.

Mes ami.es, certain.es d'entre vous tomberont sur ce joli film, je sais que par curiosité quelques un.es y jetteront un oeil, et je ne vous en veux absolument pas. Faites-le, matez-moi puisque les images sont là, et ça ne me gène pas car je sais que vous ne me jugerez pas pour avoir fait (et pas uniquement cette fois!) ce que beaucoup d'entre vous font aussi dans l'intimité de leur lit (ou ailleurs!).

Quand à toi mon chanteur, je ne peux pas dire que tu sois un maître car tu n'avais pas tout prévu, tu n'avais pas prévu de tomber sur une femme solide qui s'assume, enveloppée de bienveillance.

Je te traiterais bien de chien ou de porc, mais ça serait trop cruel envers ces nobles animaux.

Allez vas-y, balance-là ta vidéo!

bottom of page